Contexte
L’économie est de plus en plus au service de quelques privilégié-e-s. L’on doit toujours davantage se subordonner aux profits des grandes entreprises, de leurs dirigeants et des superriches. Cela nuit à la grande majorité des gens, à notre bien commun, mais aussi à la nature. En introduisant plus de démocratie dans l’économie, nous pouvons changer cela. Ce ne sont plus quelques privilégiés qui doivent diriger l’économie seuls. Nous devons le faire tou-te-s ensemble et sur un pied d’égalité. Nous créons ainsi une économie qui sert la prospérité, la liberté et la vie décente de toutes et de tous.
Le présent site sert donc de plate-forme pour aborder les développements socialistes pertinents dans ce vaste domaine thématique. Outre les contributions actuelles des parlementaires à l’économie sociale et solidaire, on y trouve également des suggestions pour sa propre vie quotidienne. Cette plate-forme propose également une sélection de textes de base et des informations plus détaillées.
Aujourd’hui, l’économie est de plus en plus au service d’un petit nombre de personnes et d’entités (organismes, etc.). Les grandes entreprises, leurs dirigeant-e-s et une petite élite de personnes superriches cherchent toujours plus à imposer leurs intérêts et ainsi à accaparer toujours plus de profits.
Cela nuit à la grande majorité de la population. La plupart des employé-e-s ne perçoivent guère de salaires plus élevés. Les emplois ne sont plus aussi sûrs que par le passé. Les indépendant-e-s ploient sous des marges toujours plus réduites et les exigences outrancières des banques et des propriétaires. Et, après le départ à la retraite, les rentes ne permettent pas de faire de folies.
Parallèlement, beaucoup ressentent la pression de faire encore plus pour générer des rendements toujours plus élevés pour le profit d’un petit nombre. Le stress augmente, l’estime témoignée ou simplement « éprouvée » à l’égard des travailleuses/travailleurs diminue et il y a peu de place pour le développement ou l’épanouissement personnel au travail. Nous nous trouvons dans une roue de hamster, dans laquelle nous sommes censé-e-s réaliser toujours plus et toujours plus vite – jusqu’à l’épuisement.
Dans l’économie du petit nombre, les besoins de la majorité sont régulièrement ignorés. Parce qu’elle augmente les profits de quelques-uns, on spécule sur les marchés financiers d’une façon qui est dangereuse pour la collectivité, on s’entête à conserver des sources d’énergie nuisibles pour l’environnement ou on produit un luxe extravagant pour les superriches de ce monde. Dans le même temps, les investissements dans la formation, les soins, les logements abordables ou même dans les technologies du futur sont insuffisants. Parce qu’ils ne permettent pas de générer (ni de gagner) suffisamment d’argent.
Comme l’économie, la politique est aussi au service du petit nombre. La majorité bourgeoise défend toujours les intérêts des grandes entreprises, des hauts revenus et des superriches. Elle adapte les lois à leurs besoins et réduit toujours plus leurs impôts – même si cela met les finances publiques au bord du gouffre. La grande majorité des gens souffre de la politique du petit nombre. Avec les coupes dans l’éducation, la recherche et les infrastructures, les forces bourgeoises mettent en danger la cohésion sociale et notre prospérité. Elles s’accommodent fort bien du fait que l’on puisse mettre les salaires sous pression et faire peser une charge toujours plus lourde sur les ménages en matière d’assurance maladie, de loyers et de taxes. Elles s’attaquent à nos pensions et à nos œuvres sociales. De plus, elles empêchent une protection réellement efficace de l’environnement.
Afin de détourner l’attention de cette politique du petit nombre, le camp bourgeois encourage l’opposition et la confrontation. Il veut nous convaincre que notre situation sera meilleure seulement si nous adoptons une position suffisamment ferme à l’égard des étrangers, des plus faibles socialement ou de l’Europe. Or, avec la mise à distance de nos voisins et de nos semblables, nous nous tirons une balle dans le pied. Non seulement nous nous isolons en tant que nation, mais encore nous cédons à la crainte, à la méfiance et à l’insatisfaction en tant qu’êtres humains. Et la stigmatisation et le dénigrement constants des plus faibles font de nous tou-te-s – aussi performant-e-s que nous soyons aujourd’hui – des victimes potentielles de l’exclusion sociale à l’avenir.
Les intérêts du petit nombre déterminent la politique et l’économie, car ce petit nombre a plus de pouvoir que la grande majorité de la population. Grâce à un régime juridique de la propriété (système de propriété) adapté à leurs besoins, les membres de cette minorité détiennent dans les entreprises, en tant que propriétaires et gestionnaires de capitaux, le pouvoir de disposer (pouvoir discrétionnaire). Ce sont eux qui décident comment et à quelles fins nous travaillons. Grâce à leur richesse, ils peuvent se permettre d’acheter de puissants lobbies pour télécommander les politicien-ne-s. Leur argent leur permet également, d’entente avec les groupes de presse – qu’ils possèdent en grande partie –, d’influencer l’opinion publique bien plus que toutes les autres forces sociales.
Nous ne pourrons briser ce pouvoir du petit nombre qu’avec plus de démocratie. La démocratie signifie que nous, en tant que personnes libres et égales, menons une vie autodéterminée, cherchons des solutions ensemble et décidons des affaires publiques ensemble. La démocratie, c’est faire confiance aux gens et garantir à chacune et à chacun une place permanente en tant que personne égale aux autres en droits – sans distinction de sexe, d’origine, d’orientation sexuelle, de profession ou de façon de penser. La démocratie ne tolère pas les privilèges. Aucun groupe et aucun intérêt particulier ne doit pouvoir disposer des autres, personne ne doit être subordonné. La démocratie est la promesse moderne que les personnes concernées peuvent participer à la prise de décisions. Mais ce noble idéal ne peut devenir réalité que si la démocratie englobe tous les domaines importants de la vie. Tel n’est pas le cas aujourd’hui. L’économie, en particulier, est une zone qui est largement vide de démocratie et où prévalent encore des conditions féodales. Les propriétaires du capital et leurs représentant-e-s au sein des directions et des conseils d’administration ont ici le pouvoir de disposition (pouvoir discrétionnaire).
Nos élections et nos votations sont démocratiques pour la raison que, en tant que citoyen-ne-s, nous décidons d’une voix égale sur les questions politiques qui nous concernent tou-te-s. Nous créerons plus de démocratie lorsque – dans l’économie et dans d’autres domaines de la société où nous sommes maintenant largement déterminé-e-s de l’extérieur – nous déciderons ensemble des questions qui influent sur nos vies. Dans l’économie, cela ne signifie rien d’autre que de veiller à ce qu’une minorité de personnes ne soit plus seule à décider. Parce que l’économie est une affaire publique. Une économie démocratique ne détruit pas les marchés. Elle permet plutôt à chacun-e de tirer profit de ceux-ci, car le pouvoir n’est plus concentré entre les mains d’une minorité. Seule la démocratisation peut nous permettre de garantir que l’économie est au service de tou-te-s et qu’elle ne sert pas seulement à une minorité pour engranger des profits. Seule une économie démocratique peut garantir le bien commun et une bonne vie autodéterminée pour tou-te-s.
Il n’y a pas qu’une seule façon correcte de faire advenir une économie démocratique. Diverses mesures peuvent réduire les privilèges du petit nombre et accroître l’autodétermination de la majorité.
La démocratisation de l’économie et de la société commence dans la vie de tous les jours : lorsque nous refusons de nous opposer les uns aux autres. Lorsque nous nous organisons ensemble et prenons nos responsabilités. Lorsque nous revendiquons le droit − et utilisons les possibilités − de nous exprimer sur nos conditions de vie. Que ce soit sur le lieu de travail, à l’école de nos enfants, dans le foyer pour personnes âgées, lorsque nous consommons ou lors de l’aménagement du quartier. L’engagement commun à ne pas se contenter du bénéfice individuel, pour le bien commun, voilà ce que signifie « vivre la démocratie ». Bien sûr, cela ne suffit pas :
- Une économie démocratique rompt avec le pouvoir des superriches et des marchés financiers. Cela nécessite une redistribution de la richesse sociale – tant ici en Suisse qu’au niveau mondial. C’est aux marchés financiers de respecter les règles du jeu sociales, et non l’inverse. Une réglementation bancaire efficace, des impôts sur la fortune, une taxe sur les transactions financières et une procédure transparente d’examen des avantages sociaux des produits financiers nouvellement proposés sont des éléments centraux d’une économie démocratique.
- Une économie démocratique investit dans l’intérêt public. Cela nécessite un système bancaire démocratique et des fonds d’investissement contrôlés démocratiquement. Ceux-ci garantissent le financement de projets durables sur les plans social et environnemental. Ils offrent aux PME des crédits (prêts) bon marché, investissent dans les infrastructures et promeuvent les technologies du futur. Les actifs des caisses de pension sont déjà détenus par la majorité de la population. Cela nécessite une transition planifiée vers une logique d’investissement à long terme. Les possibilités déjà existantes de cogestion (codétermination) des personnes actives professionnellement dans les caisses de pension doivent être utilisées plus activement et être élargies.
- Une économie démocratique permet aux personnes travaillant en entreprise et à la société civile d’avoir leur mot à dire. Elle fixe des limites claires au pouvoir discrétionnaire des principaux actionnaires et gestionnaires. Des réformes plus profondes remettent les entreprises entre les mains des travailleurs et des travailleuses par l’utilisation progressive d’une partie des bénéfices pour racheter des actions privées. Les entreprises du service public en particulier – contrairement à ce qui se passe aujourd’hui – doivent être structurées et gérées démocratiquement.
- Une économie démocratique encourage l’entrepreneuriat social et solidaire. Les conditions-cadres politiques pour les coopératives et les autres entreprises progressistes doivent être améliorées de manière ciblée. Des mécanismes clairs et aussi peu bureaucratiques que possible doivent être établis pour permettre la transformation des entreprises en entreprises autogérées ou en coopératives en cas de fermeture d’entreprise ou s’il n’y a pas de successeur dans une entreprise familiale. Les crédits pour le financement intermédiaire ou initial (de démarrage) doivent être accordés à des taux favorables.
- Une économie démocratique s’appuie sur l’organisation syndicale. L’organisation syndicale rend possibles le partenariat social et les conventions collectives de travail. Cela permet déjà de garantir aujourd’hui qu’un petit nombre de nantis ne peut pas avoir un contrôle total sur les personnes actives. Les conventions collectives de travail sont une assise sur laquelle une économie démocratique peut (se) construire. Cela dit, celle-ci doit à plus long terme voir au-delà. En étendant et en approfondissant la démocratie, nous voulons changer l’économie de l’intérieur. Nous voulons des entreprises qui ont en point de mire le bien commun plutôt que la maximisation des profits et qui prennent les décisions en conséquence – justement parce que les personnes concernées bénéficient d’un pouvoir de codécision.
Créer plus de démocratie signifie poursuivre une longue tradition suisse. Rien que la fondation de la Suisse moderne, en 1848, renvoie à la lutte fructueuse contre les privilèges de la noblesse et pour la démocratie. La Constitution fédérale a garanti pour la première fois l’égalité des droits à tous les citoyens de sexe masculin.
Dans la foulée, la lutte pour l’égalité des droits et la liberté a également été menée dans d’autres domaines sociaux. Le socialisme a toujours joué un rôle de premier plan à cet égard. Il s’est toujours battu pour l’ancrage de la démocratie dans la sphère sociale, c’est-à-dire dans la société dans son ensemble :
- Avec les travailleurs et travailleuses, il a progressivement permis d’obtenir, de haute lutte, des droits sociaux et politiques, ce qui a amélioré la participation sociale de la majorité moins aisée de Suisse. La loi sur la représentation proportionnelle de 1918 et l’introduction de l’AVS en 1948 comptent au nombre des jalons de cette lutte fructueuse pour plus de démocratie.
- Le mouvement des femmes a obtenu le suffrage féminin en 1971 et l’égalité politique des femmes en 1981 avec l’article constitutionnel « Égalité des droits entre hommes et femmes » – ce qui a permis de poursuivre la démocratisation de la Suisse.
- La rébellion des mouvements sociaux à partir de 1968 a entraîné un dégel dans de nombreux domaines sociaux et écologiques. Le socialisme s’est saisi des préoccupations ambiantes. La pensée critique, l’éducation libre et une vie plus autodéterminée ont remplacé les concepts moraux restrictifs d’une élite conservatrice. La protection de l’environnement a ralenti la destruction de la nature par des intérêts particuliers, du moins dans certains domaines. Et, au plus tard avec la loi sur le partenariat (LPart) de 2005, les années d’engagement en faveur de l’égalité entre les couples homosexuels et hétérosexuels ont porté leurs fruits.
L’histoire nous montre que dans ce pays, les gens ont toujours uni leurs forces pour lutter pour l’égalité des droits et des libertés – et ainsi, pas à pas, faire advenir plus de démocratie. Aujourd’hui, la démocratie politique est sur le point d’atteindre ses limites. Le Parlement et les droits populaires tels que nous les connaissons sont de moins en moins capables de trouver des réponses aux défis actuels et d’affirmer ou d’imposer l’intérêt public contre le pouvoir du petit nombre. Le temps est donc venu de faire un pas de plus et de se battre pour un élargissement et un approfondissement de la démocratie. Pour une démocratie qui permette aux gens de participer à tous les domaines de la vie. Pour une démocratie qui englobe l’économie et la ramène dans la société.
La démocratie et la société de l’avenir doivent être façonnées en commun. Il existe des exemples pratiques, des modèles et des idées, mais pas de plan directeur. Nous avons besoin de courage et d’une bonne dose de créativité pour innover, pour concevoir de nouvelles formes et institutions de participation démocratique et pour les concrétiser. L’histoire montre clairement que tout doit être conquis de haute lutte et que rien ne tombe du ciel. De tout temps, une minorité de nantis et les privilégiés ont lutté contre le progrès. Et, de tout temps, l’indifférence et la peur ont mis en péril les progrès réalisés. Il n’en ira pas autrement à l’avenir. Mais ensemble, nous pouvons réussir.